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Episode 11 : « Ta vie avec » L’errance médicale

Episode 11 : « Ta vie avec » L’errance médicale

Bienvenue dans « Ta vie avec »

Le podcast où on parle de différence. Aujourd’hui, on parle de l’errance médicale avec Ornella du compte instagram @desmauxsouslaplume.

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Retranscription Épisode 11


Bon matin et bienvenue dans Ta vie avec, le podcast où on échange sur nos différences. Je suis Leïla Kadi Louche, coach de vie certifiée et accompagnatrice au changement. On se retrouve pour l’épisode 11 sur l’errance médicale avec Ornella du compte instagram @desmauxsouslaplume.

LKL : Coucou Ornella.

O : Salut.

LKL : Alors on se retrouve pour parler ensemble d’errance médicale. Est-ce que tu peux te présenter s’il te plait ?

O : Alors comme tu l’as dit, je m’appelle Ornella, j’ai 24 ans. À la base, j’ai une formation de graphiste et illustratrice mais en ce moment je suis en train de me former pour devenir Art thérapeute et puis c’est moi qui me cache derrière le compte instagram @desmauxsouslaplume.

LKL : Super, merci d’être venue en tout cas. Je t’ai proposé qu’on face cet épisode ensemble parce qu’à la base, ton compte instagram c’était @spondy.nella pour « spondylarthrite », tu as été un moment en errance médicale et tu as changé de diagnostic. Est ce que tu peux nous raconter ton errance médicale ?

O : Oui. Alors pour moi ça a commencé assez tôt. J’ai eu des symptômes très très tôt mais je ne parlerai pas d’errance médicale dès ma naissance parce que c’étaient des symptômes qui n’étaient pas spécialement handicapants, qui ne me gênaient pas et où il n’y avait aucune investigation dessus de la part des médecins parce que, c’était là mais à la limite, je ne savais même pas que ce n’était pas normal en fait.
Je dirais que ça a plus commencé vers mes six ou sept ans où j’ai commencé à avoir des grosses douleurs au dos. Mais là, les médecins étaient plus dans l’idée de “c’est la croissance, on ne va pas faire grand chose, on va attendre que ça passe”. Je pense que vers mes 9 ou 10 ans là, ça a commencé à devenir assez insupportable et là, on m’a dit “oui mais c’est parce qu’avec la croissance, tu manques de muscles, tu vas aller faire un peu de kiné”. Et avec la kiné, ça devenait de pire en pire. A chaque fois que j’en parlais on me disait que c’était dans ma tête et qu’il fallait que j’arrête de me plaindre. Donc cette période où je me plaignais et où on me disait que je n’avais rien, ça a duré de mes 10 ans à mes 21 ans.

LKL : Ah oui, quand même.

O : Oui c’était assez compliqué. Et je n’ai pas vu tant de médecins. Parce que quand on habite dans la campagne, c’est difficile d’avoir accès à plein de médecins. Mais dans cette période ça allait de pire en pire. J’ai continué à avoir des douleurs, puis des subluxations, des entorses. Et puis avec les entorses, les médecins étaient obligés de me prêter un peu attention parce qu’il fallait quand même faire quelque chose mais c’était un peu “on va mettre une attelle pendant deux jours et puis ça passera” ou “il faut marcher dessus, ça va passer”.
Au bout d’un moment, j’ai commencé à en avoir ras le bol de ces symptômes et en plus de tout ça j’ai eu des tendinites. Et à force d’insister, mon médecin, -je pense que j’avais 19 ans à l’époque et je venais d’avoir une tendinite après avoir simplement marché pendant une demie journée, – m’a dit “on pourrait chercher du côté d’une maladie auto immune ou d’un problème au niveau du tissu conjonctif, mais vous êtes jeune, ça ne sert à rien”. Donc en fait, cette remarque ça m’a un peu fait taire sur le coup parce que je n’avais plus d’armes à avancer, je ne savais plus quoi dire. Donc à ce moment là, j’ai déménagé aussi, et je n’ai pas eu le courage de retrouver un médecin, donc je pense que pendant à peu près deux ans, je n’ai pas eu de médecin. Et puis l’été de mes 21 ans, j’ai commencé à être très fatiguée, et puis on était à la fin de deux mois de vacances, donc une fatigue extrême après deux mois de vacances, ça commençait à me poser un peu question. Avec la rentrée qui arrivait, j’ai décidé d’aller voir un médecin pour voir si on pouvait faire quelque chose. Je pensais à quelque chose comme des vitamines, du magnésium, un petit cocktail comme ça, je sais pas … un truc simple.

LKL : Ouais.

O : Et donc cette nouvelle médecin m’a demandé depuis combien de temps ça durait et si j’avais d’autres symptômes et j’ai un peu tout repris avec elle et elle m’a dit “non, c’est pas normal. Tout ce qui vous arrive, c’est pas normal alors on va chercher, il doit y avoir quelque chose qui ne va pas”. Donc c’est elle qui a lancé tout le processus où là, j’ai été dans la période un peu plus intensive d’errance médicale, où là, j’ai commencé à voir beaucoup de médecins, où là, elle m’a envoyé faire des prises de sang, voir un rhumatologue, j’ai du faire des radios, des IRM, voilà. Et juste avant mes 22 ans, j’ai eu mon premier diagnostic de spondylarthrite ankylosante. Donc le rhumatologue, ce qui s’est passé c’est qu’il a retenu que j’avais mal au dos, il s’est focalisé là dessus et il a oublié tout le reste. Parce que j’ai aussi les subluxations, il a laissé ça de côté. J’ai aussi des symptômes digestifs qu’il a mis de côté et puis des symptômes au niveau de la peau, tout ça il a laissé de côté. Il ne s’est concentré que sur les douleurs au dos. Il a d’abord cherché une fibromyalgie finalement, il a dit que c’était pas ça. Et puis sur l’IRM, j’avais le bassin abimé et donc il a dit bassin abîmé, spondylarthrite ankylosante, c’est ça.

LKL : Alors que pour ceux qui ne savent pas la spondylarthrite ankylosante, il y a des marqueurs à la prise de sang. Comme c’est une maladie auto immune, il y a des marqueurs en prise de sang que tu n’avais pas.

O : Non, je n’ai jamais eu de marqueurs à la prise de sang. On a même fait un test pour voir si j’avais le gène de la spondylarthrite, qui n’est pas présent dans tous les cas mais dans il me semble 97% des cas donc ça fait quand même beaucoup. Et donc moi je ne l’avais pas. Mais il m’a dit “non mais ce n’est pas une raison, je suis sûr que c’est ça”.
Donc j’ai eu une tonne d’anti-inflammatoires qui n’ont jamais rien fait. Je suis même passée aux anti-TNF, donc thérapie biologique avec des effets secondaires pas super et rien n’a marché. Et on a commencé à me dire “c’est parce que c’est un cas atypique de spondylarthrite”. Je crois que c’est ça qui m’a mis la puce à l’oreille, et où j’ai commencé à chercher de mon côté, à lire des choses sur la spondylarthrite et à me dire “mais c’est pas ça moi”. Et je me rendais que plein de mes symptômes n’étaient pas expliqués par cette maladie. Et j’ai commencé à chercher un peu tous mes symptômes individuellement et tout retombait toujours sur la même chose. Je finissais toujours par tomber sur le syndrome d’Ehlers Danlos.
J’ai décidé d’en parler à mon rhumatologue de l’époque qui a plus ou moins refusé de m’écouter. Il a regardé rapidement, il s’est concentré sur l’élasticité de ma peau, qui n’est pas du tout un critère principal de diagnostic pour Ehlers Danlos. Il m’a dit que comme ma peau n’était pas assez élastique, ce n’était pas ça et qu’il fallait que je laisse tomber.
Puis j’ai eu un peu de chance dans cette errance médicale. Quelqu’un de ma famille s’est retrouvée avec des douleurs très similaires aux miennes et on l’a donc envoyé en rhumato en disant que ce serait une spondylarthrite aussi. Et c’était une autre rhumatologue qui a dit “mais ce ne sont pas des douleurs inflammatoires, ce n’est pas une spondylarthrite, ça ne peut pas être ça”. Et quand je me suis rendue compte que j’avais les mêmes douleurs et que moi on me disait que c’était inflamatoire, j’ai décidé d’aller voir cette rhumatologue. Elle a regardé mon hypermobilité, je lui et parlé du syndrome d’Ehlers Danlos et elle m’a dit “franchement, il y a de grandes chances”. Elle m’a envoyée voir une spécialiste et en juin dernier j’ai pu être diagnostiquée avec le syndrome d’Ehlers Danlos. Voilà ça fait un long parcours, mais voilà toutes les étapes.

LKL : L’errance médicale, c’est souvent très long. Et c’est ce qu’on se disait en préparant cet épisode avec Ornella, c’est que le problème de la médecine d’aujourd’hui, c’est qu’elle se concentre sur un truc et pas sur l’humain dans sa globalité. Toi, tu avais plein de symptômes digestifs, des douleurs articulaires, des subluxations, des problèmes de peau et tout était traité séparément et pas dans son ensemble.

O : Voilà, et quand c’était traité. Parce que le plus souvent on me disait le plus important ce sont les douleurs au niveau du dos et des articulations donc on va se concentrer là dessus. Le reste à côté c’est rien, donc on peut laisser ça de côté.

LKL : Mais non, des symptômes digestifs peuvent être extrêmement handicapant. 

O : C’est ça. Des symptômes au niveau de la peau c’est très handicapant. Moi j’en étais à un point ou j’avais des douleurs dès qu’on m’effleurait la peau.

LKL : Ah oui d’accord.

O : Donc déjà le simple contact des vêtements ça devenait compliqué. Et comme dans notre société, on ne peut pas tellement se balader à poil dans la rue, c’est assez handicapant au quotidien.

LKL : En effet. Et dans cette longue errance, qu’est ce qui a été le plus difficile pour toi à vivre ?

O : Je pense que le plus difficile dans cette errance c’était pas le physique, c’était vraiment le psychologique et le fait de ne pas être crue, qu’on me dise que tout était dans ma tête. Au point qu’à un moment, j’ai fini par y croire. Ca fait perdre la confiance en soi, on pense qu’on devient fou, qu’on invente tout, que quelque chose ne va pas chez nous. Donc voilà, les douleurs c’est hyper handicapant, tous les symptômes sont hyper handicapant mais on apprend à faire avec. Parce que de toute façon, on n’a pas d’autre choix. Mais au bout d’un moment je me souviens que j’étais assez désespérée. Je n’ai jamais été suicidaire mais assez désespérée et je me souviens que adolescente je ne disais “mais si la vie c’est ça, c’est souffrir à ce point, c’est avoir mal tout le temps et qu’on me dise que j’ai rien, c’est nul en fait”.

LKL : Moi je me souviens dans mon errance médicale, j’étais très en colère. Je trouvais ça extrêmement injuste de déjà devoir supporter ces symptômes là et ces douleurs là et en plus de devoir me battre pour faire reconnaître mes douleurs, ma souffrance et trouver de l’aide alors que je n’avais pas l’énergie de faire ça.

O : Moi cette colère elle est venue plus tard. En fait elle est venue à partir du moment où des médecins m’ont crue et où j’étais en colère contre tous ceux que j’avais eu avant et qui m’ont dit que je n’avais rien, que j’étais une chochotte. Cette colère elle est venue vraiment à partir du moment où le premier médecin m’a cru. Et ou cette généraliste m’a dit “non ce n’est pas normal, il faut faire quelque chose”.

LKL : D’accord.

O : Avant, je ne me rendais pas compte, je pensais que c’était normal. Ehlers Danlos c’est quand même quelque chose de génétique, il y a des symptômes similaires dans ma famille. Ce sont des choses qui me paraissaient normales parce que d’autres personnes dans ma famille vivaient la même chose. Je me disais juste que c’était un peu nul mais bon…

LKL : Oui ça, c’est super important aussi. Comme dans ton cas, quand on naît avec ces symptômes là, parce que toi c’est génétique, tu as grandi avec, t’es née avec. Quand je discute avec des personnes qui ont le syndrome d’Ehlers Danlos, elle me disent souvent “j’ai appris très tard que me subluxer l’épaule en faisant quelque chose, c’était pas normal”. Et c’est intéressant aussi quand vous êtes en errance médicale de comparer ce que vous vivez avec des personnes autres que votre famille, pour voir si ce que vous expérimentez, c’est dans le champ du normal ou du non normal. 

O : Au delà de la famille, il faut comparer avec ses amis parce que dans la famille on peut avoir des trucs hyper similaires. Moi par exemple, je me subluxe la hanche depuis que j’ai… Je ne saurais même pas dire depuis combien de temps tellement ça fait longtemps. Donc j’ai appris à remettre ma hanche toute seule. Donc, ça arrive, je la remet en place et voilà. C’est un truc, j’en ai parlé très tard à un médecin parce que d’autres membres de ma famille font la même chose donc pour moi on était comme ça, c’était comme ça et puis voilà. Mais je trouve qu’on a au final une assez mauvaise connaissance de notre corps et de comment il doit fonctionner théoriquement et que quand on naît avec des symptômes et qu’on grandit avec – on se rend bien compte qu’il y a des choses qui empirent et qui n’étaient pas là avant – il  a une grande majorité des choses, j’ai plus ou moins toujours vécu avec donc le temps que je me rende compte que ce n’était pas normal, c’est hyper compliqué.

LKL : Qu’est ce qui toi t’as aidé dans ton errance médicale ?

O : Je pense que ce qui m’a aidé … Bon évidement la première médecin qui m’a crue, c’était un soutien incroyable. Je l’ai revue il y a pas longtemps et elle se souvenait encore. Elle avait suivi mon évolution de loin et elle m’a dit “oui la spondylarthrite, ça m’a paru étrange au début”. C’était assez drôle de revoir cette personne après.
Ce qui m’a aussi aidée, c’est toutes les recherches que j’ai pu faire sur internet, lire beaucoup de témoignages d’autres personnes, pouvoir me dire que je ne suis pas la seule à qui ça arrive mais en même temps c’est pas normal non plus. Donc j’ai raison de me battre, j’ai raison de chercher une réponse, j’ai raison de continuer à faire ce que je fais, de chercher toujours de nouveaux médecins. J’ai trouvé aussi un groupe de soutien sur Facebook, ça aussi ça permet d’échanger avec d’autres personnes qui vivent la même chose. Ça aide à comprendre ce qui nous arrive et à se dire “ je ne suis pas seule, je ne suis pas folle”. Et puis évidement mon compte instagram. A la base je l’ai créé parce que je voulais rencontrer des gens qui avaient la même chose que moi, parce que dans mon entourage il n’y avait personne qui avait – en tout cas j’avais l’impression qu’il n’y avait personne qui avait une maladie chronique ou quelque chose du genre – en tout cas une spondylarthrite à l’époque, il n’y avait personne. Et puis l’idée juste de rencontrer des gens qui avaient une maladie chronique et qui se battaient avec ça tous les jours, pouvoir trouver des gens qui comprennent. Moi je crois que c’est ça surtout : trouver du soutien, trouver des gens qui vivent la même chose. Déjà ça aide à comprendre ce qui est normal ou pas, à orienter, quels médecins on doit voir ou pas et à se dire “je suis malade, mais je ne suis pas toute seule dans cette galère”.

LKL : Je voudrais revenir sur le moment où personne ne te croyais, personne ne croyait à tes symptômes, à tes douleurs, on te disait que c’était dans ta tête. Ça c’est des choses qui sont hyper marquantes et traumatisantes quand on souffre. Comment tu as fait après ? Donc après tu as trouvé un médecin qui t’as diagnostiquée, qui a posé un nom sur ta maladie. Mais ces périodes là ça reste. Comment tu as fait pour te sentir légitime dans ta maladie ? Pour te dire j’ai vraiment quelque chose ?

O : Pour moi ça s’est fait en plusieurs étapes. D’abord ça a été de comprendre tout ce qui ne marchait pas chez moi. Comprendre qu’est ce qui était un symptôme et qu’est ce qui était normal dans le fonctionnement de mon corps. Donc oui, déjà comprendre comment mon corps fonctionne. Donc ça s’est fait par des lectures, j’ai regardé des documentaires, j’ai discuté avec des gens.
Ensuite, j’ai essayé de comprendre ce qu’était ma maladie quand j’ai eu mon diagnostic. Ça avant je ne pouvais pas, mais disons que ça a été la dernière étape de comprendre ma maladie.
Entre les deux, je crois qu’instagram m’a beaucoup aidé parce qu’on voit plein de gens avec des maladies différentes, qui le vivent différemment, et l’acceptent de manière différente. Je me suis rendue compte que oui, j’ai 24 ans, mais si j’ai besoin d’une canne, j’ai besoin d’une canne et c’est tout, et je vais acheter une canne et je l’utiliserai et voilà. Et c’est pas forcément un truc de vieux. Ça m’a aidée à relativiser plein de choses. Après moi, je savais qu’il y avait des handicaps invisibles mais je ne me doutais pas que c’était 80% des handicaps qui sont invisibles. Donc ça m’a permis de me dire “oui je peux m’inclure là dedans, je fais partie de ces handicaps invisibles”. C’est ça en fait. Ça s’est fait progressivement. Comprendre ce qui n’allait pas. J’ai aussi pris un moment pour comprendre en quoi ça m’handicapait dans la vie de tous les jours par rapport à des amis qui n’ont pas de problèmes de santé. J’ai commencé à comprendre que sur certaines choses j’avais une perspective un peu différente. En fait, ça s’est fait très progressivement. J’ai pris conscience de petites choses, petit à petit. Et voir d’autres gens dans les mêmes trucs ça m’a aidée à relativiser et à me dire que handicap c’est pas un gros mot, que être malade ça arrive, c’est pas juste avoir la grippe ou un rhume. J’ai du comprendre aussi ce qu’était la maladie chronique, parce que au début, je me disais que j’avais un problème au dos mais qu’on allait me trouver un médoc et que tout irait bien. J’ai compris aussi que les médicaments ça ne fait pas toujours tout. J’ai compris que la médecine ne peut pas toujours tout expliquer à 100%. Plein de choses que j’ai comprises petit à petit qui m’on aidé à me dire que même si au début j’avais pas de nom sur ce que j’avais, que je n’étais pas la seule à ne pas avoir de nom sur ce que j’avais. Et que ce n’est pas parce que je n’avais pas de nom, que je n’avais rien. Et me dire que ça prendrait peut être du temps de savoir ce que j’ai, mais que je n’avais pas rien.

LKL : Je voudrais revenir sur la phrase que tu viens de dire. Je trouve ça hyper important. “C’est pas parce que je n’avais pas de nom sur ce que j’avais que je n’avais rien”. Souvent c’est ce qu’on se dit. “On n’a pas posé de diagnostic alors je ne suis pas vraiment malade”. Alors que vos symptômes , votre souffrance elle est réelle. C’est pas parce que vous n’avez pas de diagnostic qu’il n’y a rien. Peut être qu’il n’y aura jamais de diagnostic mais c’est pas pour ça que vous n’avez rien.

O : En fait, j’ai essayé de penser les choses dans des termes très très simples. Quand on a la grippe, on ne va pas forcément chez le médecin pour que le médecin nous dise “vous avez la grippe, prenez un doliprane”. Pourtant, on a quand même la grippe. Et donc je me suis dit, c’est aussi bête que ça. Pour l’instant les médecins ne savent pas ce que j’ai, ça veut pas dire que je n’ai pas de symptômes, ça ne veut pas dire que ce que j’ai n’existe pas. Le gars qui est au fond de son lit et qui a la grippe, il a la grippe. Et le médecin est pas venu le voir et lui dire qu’il a la grippe, mais il l’a quand même. Il est quand même malade. Les maladies chroniques c’est un peu la même chose, sauf que souvent ça prend plus de temps à diagnostiquer qu’une grippe.

LKL : C’est ça. Qu’est ce que ça a changé dans ta vie d’avoir un diagnostique ?

O : Pour moi ça a été un grand soulagement, déjà au niveau psychologique. Enfin on me croyait, je n’étais pas folle. Ça a aussi ouvert plein de portes. Parce qu’avec le premier diagnostic que j’avais, on en était à tester plein de médicaments qui ne marchaient pas et on était un peut en train de me dire “on ne peut plus rien pour vous, il va falloir faire avec”.
Et donc là avoir un nouveau diagnostic, et en plus j’ai été prise en charge, ça a été impressionnant. Déjà l’examen qui a permis de diagnostiquer, il a duré deux heures. La médecin qui m’a diagnostiquée a tout examiné de A à Z, et même des trucs dont je ne savais pas encore que c’était des symptômes. Elle m’a dit “vous savez, c’est pas normal d’avoir ça”. Donc j’ai appris encore plus de trucs. Et en fait, elle m’a dit “pour tel symptôme il faudrait voir tel spécialiste et lui proposer de faire ça, pour tel autre on va tester tel médicament et on va voir si ça marche et dans six mois on refait un point, et pour ça vous aller voir telle kiné qui va vous faire un bilan et vous dire quoi faire, on va écrire des rapports pour tout expliquer à vos autres médecins …” Déjà, je me suis sentie prise en main d’un coup. Et je me suis dit “waouh, d’un coup ça va bouger”. J’ai eu l’impression d’une révolution.
En soit, ça n’a pas changé radicalement ma vie, enfin je vis toujours un peu la même vie. Le seul truc c’est que j’ai des médocs qui marchent pas mal, ça me supprime pas complètement mes douleurs, mais ça les réduit au moins de moitié, donc ça me permet d’être plus active dans ma vie de tous les jours. Ce qui est hyper cool. Je passe d’un truc où j’étais clouée au lit, à un truc ou je bouge, je vais faire un peu de trucs. Voilà, je ne vais pas courir un marathon demain ça c’est clair, mais ça me permet de sortir au moins un peu de chez moi.
J’ai aussi pris conscience qu’il y avait un chemin qui était hyper long devant moi, que je n’allais pas guérir, que la maladie que j’ai c’est une maladie rare, qu’il n’y a pas énormément de connaissances dessus. Il y en a mais beaucoup moins que sur d’autres maladies. Donc ça c’est un peu dur d’apprendre ça au début. Mais en même temps avec tout le soutien que j’ai eu d’un coup et tous ces médecins qui d’un coup étaient un peu obligés de me croire, je me suis dis “c’est pas grave, je vais y arriver”. Même s’il y a un chemin énorme devant, même s’il y a encore beaucoup de choses à faire, même si ça va être long et surement difficile par moment, en fait je finirai par réussir à aller mieux, on va finir par trouver une solution et un jour ça ira mieux.
Et du coup, comme j’ai eu une prise en charge adaptée, j’ai pu avoir des résultats en plus des résultats médicamenteux. J’ai eu de l’ergothérapie où j’ai pu voir des résultats très vite. La kiné, ça prend plus de temps, mais je pense que c’est aujourd’hui que j’ai pu voir des résultats pour la première fois. Ça y est, j’ai des abdos, j’en avais pas avant. Ça veut dire qu’il y a des choses qui se passent.
Moi ça m’a redonné beaucoup d’espoir. Ça m’a permis – tout à l’heure je parlais de comprendre sa maladie – maintenant que j’avais un nom, de faire des recherches vraiment précises sur ce que j’avais, mieux comprendre. On trouve plein de ressources sur internet maintenant, des conférences de médecins par exemple, donc j’ai pu écouter comprendre mes symptômes et d’où ils venaient. Et puis, moi je trouve que comprendre tout ça, ça permet en quelque sorte de reprendre le contrôle sur sa maladie même si on ne contrôle pas grand chose au final. Mais en tout cas, comprendre comment son corps marche et pourquoi ça ne marche pas comme il faut, en tout cas moi, ça m’a permis de reprendre le contrôle sur mon corps, de reprendre confiance en moi en me disant : “ce n’est pas normal pour la plupart des gens d’être comme ça, mais moi par rapport à comment mon corps est fait et à la maladie que j’ai, c’est ma normalité”. Donc ça m’a permis d’accepter ça, de reprendre confiance en moi, aussi de faire le point sur “ok il y a des choses que je ne peux plus faire, ça c’est sûr, mais il y a aussi tout un tas de choses que je peux faire et il y a des choses entre les deux que je peux faire en adaptant”. Et réfléchir à ça, ça permet de reprendre un peu le contrôle sur sa vie. Moi j’ai eu une longue période où j’ai été clouée au lit et pouvoir me dire “non, c’est bon tu vas pouvoir vivre ta vie et faire des choses”. Je ne serais pas championne olympique mais c’est pas grave. Il y a plein d’autres choses qui sont belles et qu’on peut faire dans la vie.
Moi ça m’a aussi beaucoup fait remettre en question mon parcours au niveau des études. J’étais dans un truc où j’ai fait un master en design avec impact social. Donc tout de suite plein de grands mots et les profs nous envoyaient un peu dans un truc où il faut avoir de grandes idées pour changer toute la société, et on va changer le monde. Et en fait je me suis rendue compte avec tout ce que j’ai traversé, en fait pendant ce master c’est là qu’à été la phase la plus intense de mon errance médicale avec mon changement de diagnostique. J’ai eu mon master, et j’ai eu mon diagnostic trois mois après. Et à la base je m’orientai vers un doctorat pour continuer sur ma lancée avec mes grandes idées pour changer le monde. Et tout d’un coup j’ai perdu l’envie de ce truc. Je me suis dit : je me bat déjà au quotidien avec ma maladie pour avancer et faire ce que je veux malgré tout, j’ai pas envie d’aller en plus me battre contre des politiques pour faire accepter des trucs, avoir des budgets pour faire plein de trucs comme ça. Mais j’ai quand même envie d’aider les gens à mon niveau, mon compte instagram c’est arrivé au même moment et il y a plein de gens qui ont commencé à me dire “merci d’en parler, ça fait du bien de voir qu’on n’est pas seuls, ça fait du bien d’en parler avec des gens qui vivent la même chose, on se comprend”. Et en fait je me suis dit, j’ai envie d’aider les autres, j’ai envie de continuer ma pratique artistique, qu’est ce que je fais avec ça ? Et c’est là que je me suis orientée vers l’art-thérapie. Et voilà, avoir des traitements qui marchent ça m’a donné l’énergie de me lancer. Ça m’a donné l’élan nécessaire pour commencer cette nouvelle formation, pour me fixer de nouveaux objectifs, adaptés à ma situation actuelle. Je ne sais pas, ça m’a donné confiance, donné envie et donné l’énergie de continuer. 

LKL : Pour conclure cet épisode, qu’est ce que tu voudrais dire aux personnes qui nous écoutent et qui sont au fond de l’errance médicale, dans ce moment de désespoir, d’extrême souffrance ?

O : Je réfléchis un peu parce que je n’ai pas envie de dire le truc un peu cliché de “il y a de la lumière au bout du tunnel, ça va aller mieux un jour”. Parce que même si au fond c’est vrai, moi c’est un truc qu’on m’a beaucoup dit quand j’étais en errance médicale et j’avais juste envie de frapper les gens qui me disaient ça, parce que je trouvais ça tellement con, j’étais tellement en train de souffrir, c’était pas ça que j’avais envie d’entendre.
J’essaie de réfléchir … Je pense qu’on entend trop souvent ces trucs de “ça va aller mieux un jour”.
Moi j’ai plutôt envie de dire : si t’as pas l’énergie pour continuer, pour chercher des médecins, pour changer encore de médecins : fait une pause. Au fond si ton nouveau médecin tu le vois dans trois mois et pas tout de suite, c’est pas grave, trois mois sur une vie c’est pas grand chose au final. Là aussi, dans l’errance médicale il faut aller à son rythme, parce que faire des examens c’est dur physiquement, c’est dur psychologiquement. Parce que parfois on fait plein d’examens et on n’a pas de réponses, on reste embourbé dans ce truc. Je pense que ce qui est important là dedans c’est de prendre son temps. On a envie d’avoir très vite un diagnostique et on a envie de savoir, c’est normal. C’est important aussi de s’écouter et de se dire : “là c’est bon, j’arrive au bout, j’ai plus la force de faire des examens, je n’en peux plus” et savoir s’arrêter et faire une pause.
Après, je sais qu’il y a aussi des gens qui hésitent à demander un deuxième avis. Alors qu’en fait c’est un droit du patient. On dit que la médecine c’est une science mais on dit aussi que c’est un art et c’est hyper compliqué. On est tous des êtres humains, on peut tous manquer un truc et il ne faut pas hésiter à demander un deuxième avis.
Et j’avais une autre idée que je viens de perdre … Qu’est ce que je disais ?
Ah oui aussi, on a le droit de refuser un traitement ou un examen. Parce que parfois quand on est en errance médicale on se sent un peu obligé de faire tous les examens. Au fond il faut se rappeler que c’est nous qui connaissons le mieux notre corps, c’est nous qui vivons avec tous les jours et si il y a un examen qu’on ne sent pas, même si ce n’est pas un examen dangereux, on a le droit de dire non. Que ce soit un non définitif, je ne le ferais jamais. Enfin, on peut toujours revenir sur sa décision. Même si c’est non maintenant, peut être que dans trois mois ce sera oui, peut être que dans 4 ans on aura compris le bénéfice de cet examen et on le fera, peut être que dans 4 ans on se dira toujours non je trouve toujours ça aussi débile, je ne le fais pas.
Mais voilà, je trouve que c’est important de s’écouter, de faire les choses à son rythme, de demander un deuxième avis si on en ressent le besoin, de changer de médecin si on ne le sent pas, rester quand même un peu libre dans tout ça.

LKL : Rester en contrôle de son parcours de soin.

O : Oui c’est ça.

LKL : Vous êtes les personnes qui connaissez le mieux votre corps et qui savez comment il réagit. Vous n’avez juste pas les compétences médicales. Mais c’est vous qui êtes maîtres de votre corps et des examens, et des médicaments, et des traitements et vous pouvez toujours dire non. C’est extrêmement important ça.

O : Et ça vient de me venir mais surtout pas hésiter à parler d’un symptôme, même si c’est un petit truc, même si ça parait ridicule. Des fois c’est ce petit truc qui orientera le médecin, qui lui fera changer de regard et qui l’aidera  trouver ce qu’on a. Je pense que la médecine c’est un peu un partenariat entre le médecin et le patient. Le médecin ne sait pas ce qu’on vit dans notre corps. Nous on sait ce qu’on vit dans notre corps mais on ne peut pas l’expliquer et le médecin il ne sait pas ce qu’on vit mais il peut l’expliquer. Voilà, pour moi l’échange c’est hyper important et il faut essayer d’avoir une communication qui soit la plus claire et la plus efficace et une communication dans laquelle on se sent bien avec son médecin.

LKL : Hésitez pas à préparer vos rendez-vous chez le médecin.

O : oui c’est hyper important ça.

LKL : Parce que si vous êtes dans un mauvais jour, si le trajet vous fatigue, ou les rendez-vous médicaux peuvent devenir extrêmement anxiogènes quand on est en errance médicale. Donc n’hésitez pas à préparer vos rendez-vous avec la liste de tous vos symptômes, même les plus petits, et la liste de ce que vous ne pouvez plus faire. 

O : A un moment j’ai aussi noté tout ce que j’avais déjà essayé comme traitement. Parce que parfois quand un médicament ne marche pas, ça peut aussi éliminer des pistes. En se disant “si cette catégorie de médicament ne fonctionne pas, alors ça ne peut pas être une maladie de ce type”. Donc ça aussi ça peut beaucoup aider. 

LKL : On peut te retrouver où sur instagram Ornella ?

O : Mon compte c’est @desmauxsouslaplume. C’est principalement là que je suis.

LKL : Je mettrai le lien dans la barre d’information. Je te remercie beaucoup d’être venue partager ce moment avec nous.

O : Merci à toi de me l’avoir proposé, c’était une chouette expérience.

LKL : Avec grand plaisir.

Merci à toi aussi d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. Si tu veux être accompagné à accepter ta différence et trouver ta mission de vie, je propose un accompagnement individuel. Si tu as aimé cet épisode, laisse une bonne note sur la plateforme de ton choix ou un commentaire pour m’aider à le faire connaître. Force et amour à toi.


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